Recherche – action sur l’Education à la paix : que retenir de la restitution publique desdits travaux ?
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février 27, 2024Les femmes restent discriminées aux élections à tous les niveaux en RDC, entre normes sociales et méritocratie, cas de 2023.
Par ODILE BULABULA MBILA Coordinatrice nationale SCP en RDC et Coordinatrice adjointe du RIO au Sud-Kivu.
La République démocratique du Congo (RDC) a organisé les élections générales le 20 décembre 2023, date à laquelle 4 scrutins ont été tenus simultanément. Il s’est agi des élections présidentielles, législatives, nationales, législatives, provinciales et municipales au niveau des communes urbaines.
Les statistiques de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) présentées à l’issue de la clôture des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs le mardi 25 avril 2023, font état d’un pourcentage élevé des femmes sur les 45 millions des personnes enrôlées. Il s’agit notamment de 23 696 424 femmes, soit 50,57% contre 23 161 273 hommes, soit 49,43%.
En jetant un regard sur les scrutins passés, les taux de femmes inscrites étaient respectivement en 2006, de 52,28%, en 2011, 49,8%, et en 2018 50,6%. Cela signifie que ce sont les femmes réellement qui s’enrôlent plus que les hommes.
Cet engouement de femmes peut se justifier par plusieurs raisons :
- Les cartes d’électeurs font office de carte d’identité en RDC et pour celles qui sont engagées dans le petit commerce au niveau inter provincial (On présente la carte d’électeur aux agents de migration pour avoir l’accès au bateau pour Goma par exemple) et transfrontalier (avec le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda et la Tanzanie, elles doivent présenter ce document pour qu’elles accèdent aux documents migratoires pour leur traversée)
- Avec le niveau de chômage des hommes, elles sont fortement engagées dans la lutte pour la survie des familles et ainsi se déplacer ici et là dans leurs activités quotidiennes. Avec la multiplicité des barrières illégales, elles doivent brandir les cartes d’électeurs pour ne pas se créer des ennuis
Mais le grand problème est qu’en dépit de cette supériorité numérique, le statut quo demeure : les hommes sont beaucoup plus élus par rapport aux femmes.
Au niveau des élections présidentielles
La résolution 1325 de l’ONU encourage la participation des femmes à la gestion de la chose publique ainsi qu’à la recherche de solutions pour la paix et la sécurité. Mais, jamais une femme n’y a occupé cette fonction, ni celle de Première ministre ou n’a dirigé le Sénat (deuxième personnage de l’État). En RDC, la représentativité féminine en politique reste un souci majeur qui s’inscrit dans un problème plus global lié aux normes sociales discriminatoires dont la femme, la fille est victime depuis son bas âge
Sur les 26 candidats retenus, il n’y a eu que deux femmes dont une, Mme Joelle Bile, a désisté au profit du Président Félix Tshisekedi. En somme, seule Mme Josée Ikofu1 , est restée jusqu’au bout. Il sied de constater ici que la candidature de Mme Hortense Kavuo Maliro, militante des droits des personnes handicapées, Fondatrice de l’Association pour l’Intégration Sociale des Handicapés Physiques, a été rejetée.
Certes, à ce niveau, le pouvoir économique des femmes est l’un des facteurs ayant limité leur engagement politique. Elles sont majoritairement pauvres et n’ont pas des biens de garantie pour accéder à des crédits dans les institutions bancaires.
En général les 60.000 usd exigés comme caution ont constitué aussi un blocage pour plusieurs femmes nourries de cette ambition.
Le niveau d’analphabétisme élevé chez les femmes, surtout en milieu rural, est aussi non négligeable dans cette analyse. En effet, en RDC, 29% des Congolais âgés de 15 ans et plus sont analphabètes2 dont 17,5% sont les hommes. Le reste sont les femmes qui soit n’ont pas été à l’école une seule fois dans leurs vies, soit elles sont été déscolarisées après quelques années pour des raisons diverses dont le mariage et grossesse précoces ou alors avoir été obligée de céder sa place à son frère du sexe masculin pour des raisons économiques, etc.
L’éducation de base est le facteur majeur dans nos sociétés où les femmes sont considérées plus comme ayant leurs places dans les ménages, au foyer et pas faites pour diriger, exercer les postes politiques surtout en période de déstabilisation, de manque de paix comme c’est le cas présentement.
Le système patriarcal étant très ancré dans la société, les hommes ne tolèrent pas être dirigés par les femmes et celles-ci n’acceptent pas aussi que les femmes les dirigent.
La violence verbale, les menaces de tout genre, la calomnie, les ruses sont les armes que les hommes utilisent dans leurs campagnes contre les femmes pendant les élections.
Au niveau des élections législatives nationales
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a publié dans la nuit du samedi 13 janvier 2024, les résultats provisoires des élections législatives nationales en République Démocratique du Congo.
Sur un total de 477 députés élus, l’on compte seulement 65 femmes dans l’ensemble du territoire congolais quoiqu’il ya une légère amélioration étant donné que lors de la dernière législature on comptait 50 femmes députés nationales au départ soit 10,3% sur 485 élus nationaux votés aux élections de décembre 2018.
Dans certaines provinces comme au Sud-Kivu, seule une femme, élue du territoire de Kabare a gagné son siège au niveau national quoique jusqu’aujourd’hui son siège est en contestation par un homme qui estime que cette place lui a été arrachées au profit de Mme Claudine Ndusi.
Les inégalités persistent, en dépit des prescrits de la constitution de 2006, consacrant la parité homme femmes, ainsi que de la loi du 1ᵉʳ août 2015 qui stipule que « la femme est représentée d’une manière équitable dans toutes les fonctions nominatives et électives au sein des institutions nationales, provinciales et locales ».
A part les quelques initiatives soutenues par la société civile, elles n’ont pas eu accès à une éducation politique suffisante. Ainsi, elles se sont précipitamment faites recrutées dans les partis politiques en quête du seuil de recevabilité et ceux qui voulaient bénéficier de l’exemption du paiement de la moitié des frais de caution selon l’article 13 de la loi électorale.
Au niveau des élections législatives provinciales
Le lundi 22 janvier 2024, la CENI a publié les résultats de l’élection des députés provinciaux pour les 26 provinces que compte la RDC, sauf pour les territoires de Rutshuru et Masisi. Parmi les 688 députés provinciaux élus, 68 sont des femmes, soit 9,88%. Ce chiffre est en baisse par rapport à la législature passée, qui comptait 73 femmes. C’est dans la province du Haut Katanga où il ya eu 12 femmes élues.
Outre les défis cités ci-haut, ici, nous, devons mentionner aussi :
- La question de l’insécurité lors des élections : Certains candidats ont mobilisé autour d’eux des éléments des groupes armés et d’autres bandes criminelles dont la mission principale était d’imposer aux électeurs leurs noms à élire sans cela, l’électeur était passible aux amendes faramineuses outre les violences physiques qui lui étaient infligées. Citons à titre exemplatif qu’une femme a été violentée au Kasai pour n’avoir pas donné sa voix au Président proclamé ; à Uvira, des candidats ont été tués, violentés, enlevés pendant la campagne électorale.
- Elles n’ont pas eu assez des moyens pour mobiliser leurs électorats qu’il fallait fidéliser par de diverses donations : T-Shirt, Chapeaux, Pagnes, Argents, lait, etc.
- Les bousculades, le non respect des consignes de vulnérabilité dont notamment, les femmes enceintes, celles avec des enfants, les handicapées et les malades ont contribué énormément au désintéressement d’un nombre suffisant d’électrices.
Initiatives de la société civile
Les organisations de la société ont dans l’entretemps mis sur place beaucoup d’initiatives pour soutenir les femmes comme électrices et comme candidates.
Comme électrices, des séances de sensibilisation qui les interpellaient à remplir leurs devoirs civiques étaient organisés à travers les rencontres en présentiel, les campagnes spécifiques3 , des émissions radios et des spots éducatifs.
Des jeunes femmes entre 18 et 35 ont été formées comme observatrices électorales afin de construire leurs confiances personnelles sur le rôle qu’elles peuvent jouer pour acroitre la gouvernance démocratique en RDC.
Nous avions aussi ouvert un groupe WhatsApp dénommé soutenir les femmes candidates où les appuis-conseils étaient prodigués, des liens de formations en ligne et des invitations lancées en faveur des femmes candidates.
Enfin de compte, seul un partenariat homme femme capable de développer sans complaisance une masculinité positive peut nous aider à nous doter des lois plus justes et équitables dont la matérialisation peut favoriser l’émergence d’un leadership féminin au niveau de la gestion politique en RDC. Il y a lieu de s’inspirer des expériences des pays voisins dont le Rwanda, qui a tenu compte réellement du taux d’analphabétisme de sa population et qui organise les élections des hommes candidats d’un côté et celui des femmes candidates d’un autre côté. Ainsi, nous demandons, aux femmes élues de prendre cette question en main afin d’y parvenir. Mais aussi, nous encourageons les braves femmes, de ne pas céder à la panique, de poursuivre la lutte jusqu’au bout, de se positionner et de poursuivre l’éducation civique à toutes les couches afin d’arriver à une société beaucoup plus équilibrée et genrée.
Bukavu, le 24 janvier 2024
- Présidente de l’Alliance des élites pour un nouveau Congo (AéNC). Elle a occupé précédemment le poste de gouverneure de la province de Tshuapa en 2016-2017.
Elle est également fondatrice du concept de la Kombolisation, tirée de « Kombo » signifiant balai en lingala, une idéologie fondée sur l’idée du nettoyage des antivaleur et mauvaises règles. Elle vise à placer le peuple au centre de la gestion publique et à favoriser la réconciliation nationale. ↩︎ - https://news.un.org/fr/audio/2020/09/1076772#:~:text=En%20RDC%2C%2029%25%20des%20Congolais,ans%20et%20plus%20sont%20analphab%C3%A8tes. ↩︎
- A Bukavu, dans chaque ville, le RIO asbl a organisé des campagnes, femmes lève-tôt et brilles qui réunissaient plusieurs femmes les appelant à participer au vote et à soutenir les candidatures féminines. A cette occasion, les femmes candidates étaient invitées à battre campagne pour leurs comptes propres
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