Défis et Avancées
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septembre 11, 2017Vecteurs de guerre ou acteurs de paix ?
Allier la réflexion sur le rôle des médias dans les conflits et les processus de paix à des études de cas issus de l’expérience récente de neuf pays d’Afrique centrale, tel est le pari ambitieux relevé avec succès par le GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, Bruxelles) et l’IPP (Institut Panos Paris) dans Afrique centrale – Médias et conflits. Vecteurs de guerre ou acteurs de paix sous la direction de Marie-Soleil Frère (Editions Complexe, 2005).
Structuré en trois parties, cet ouvrage propose de nombreuses pistes de réflexion sur les médias, instruments de stratégies destructrices ou, au contraire, constructives, qui débordent largement le cadre africain. La première partie, rédigée par le journaliste canadien Ross Haward, dresse un panorama de concepts et de documents fondateurs qui guident, depuis le début des années 1990, les tentatives de systématisation et de modélisation autour du rôle des médias dans les conflits et les processus de paix. Cette partie donne échos au débat sur la compatibilité possible entre le journalisme professionnel et le journalisme de paix, toujours d’actualité.
Dans la seconde partie, deux chercheurs, Pamphile Sebahara et Marie-Soleil Frère, présentent, respectivement, une brève analyse de la conflictualité dans les pays comme le Burundi, la RDC, le Rwanda, le Congo-Brazzaville, la Centrafrique, le Tchad, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, et une description du positionnement des médias locaux à travers le parcours troublé de ces différents Etats. La troisième partie est une réflexion du journaliste Jean-Paul Marthoz sur la manière dont les médias du Nord couvrent les crises du continent africain. Plusieurs mécanismes de sélection et de traitement de l’information mondiale dans un contexte d’une illusoire globalisation de l’information, qui n’est en réalité que celui de multiples zones d’ombre y sont mis à jour.
L’oscillation de la presse occidentale entre l’indifférence et la mise d’accent sur les « événements négatifs » ; le besoin de coller à une story line (un cadre d’interprétation – guerre ethnique, traditions ancestrales – dans lequel insérer des éléments épars et complexes) en simplifiant les enjeux ou encore la déferlante émotionnelle du « porno humanitaire » (R. Debray)… fournissent des éléments de réflexion sur les médias du Nord, vecteurs de guerre.
L’originalité et l’extraordinaire utilité de cet ouvrage pour tout acteur de la société civile désireux non seulement de comprendre les existantes dérives du système médiatique (dénoncées par ailleurs avec beaucoup de succès), mais aussi de se donner des moyens d’action sur et avec les médias pouvant également être considérés comme partenaires dans la construction et/ou consolidation de la paix, résident dans sa force de proposition. Loin de se contenter de dresser un diagnostic noir du couple médias et conflits, notamment dans le traitement du continent africain, les chercheurs du GRIP et de l’IPP, en s’appuyant sur des initiatives positives démontrent avec force que l’Afrique, mais aussi le monde dans son ensemble, pourraient être couverts différemment.
Ils démontrent également qu’il y n’a pas d’incompatibilité entre la liberté du journaliste i.e. son impartialité dans le traitement d’un conflit et sa contribution à la gestion de ce même conflit. Et que, dans le contexte mondial de « criminalisation » des modes d’action politique, « les médias peuvent constituer un ultime lieu d’expression et de visibilité pour des acteurs sociaux oubliés, pour les victimes civiles, silencieuses et muettes, des guerres du continent, mais aussi pour des actions alternatives de gestion de la vie collective ».